mardi 6 décembre 2011

Trombinoscope et Praxinoscope

Voici la seconde année que j'enseigne l'animation graphique aux étudiants de première année d'e-artsup, école d'arts graphiques située au Kremlin Bicêtre.

Dans ce cours les élèves explorent les bases du graphisme animé, via des projets qu'ils réalisent en stop motion (prise de vue image par image).

Nous nous concentrons sur des notions aussi basiques qu'essentielles comme l'adéquation fond-forme, les possibilités de narrations graphiques, et la recherche de sa propre écriture graphique à travers des sujets en dessin peinture, papiers découpés, volume… 
Les élèves ne se rueront pas sur les logiciels d'animation graphique pour l'instant…
ils attendront l'année prochaine, une fois ces fondamentaux abordés.

Si ce cours est d'un abord ludique, il demande néanmoins de faire fonctionner sa matière grise:
je les encourage à affiner leurs idées, les synthétiser et les épurer au maximum.
Simplifier chaque détail, afin de mettre en valeur et de rendre intelligibles leurs intentions.
Mais ce n'est pas tout… quand on sait qu'il faut en moyenne 12 dessins pour faire une seconde d'animation, une bonne quantité d'huile de coude est également requise!
Si ce travail est parfois laborieux, la récompense est de voir ses dessins prendre vie,
instant magique et jouissif!

Voici une petite compilation du premier sujet, réalisé entièrement en dessin traditionnel.
Trombinoscope animé, qui permet d'avoir un aperçu de différentes écritures, de multiples sensibilités et manières d'aborder un sujet aussi classique que l'autoportrait.


Crédits: Marie Magny, Valérian Le Bruno, Thibaut Algis, Edouard Henneron, Antoine Minez, Yves Barreira Diegues, Gabriel Turot, Elvin Fortias, Julie Ruffier, Anis Chouk, Sylvain Murat, Thiphaine Di Valentin, Enzo Brunetti, Marjolaine Coerchon, Marc Razafindralambo, Mehdi Founas.

Une nouveauté cette année, je fais un cours de graphisme et vidéo en 4e année de la filière Design et communication.
Là aussi je mets l'accent sur un esprit minimaliste, primordial selon moi car il oblige à affirmer chaque choix: couleur, rythme, graphisme, sens… 
Chaque détail a son importance, est mis en exergue, et ne peut se dissimuler.
Pour ce premier travail, je leur demandais de partir d'un signe graphique basique (point, trait),
et de le transformer en 10 étapes pour aboutir au logo de l'émission "Mutation(s)".
En fonction de leurs choix de réalisation et partis pris d'animation graphique ce signe prend sens et vie, et fait ressortir l'axe et le thème de cette émision (écologie, technologie, biologie…).

Là aussi, je trouve intéressant de voir comment avec des contraintes très restreintes, chaque élève s'empare du sujet, se distingue, et à travers cela, fait ressortir sa singularité.



Crédits: Pâris Massenot, Haris Rustemovic, Aleksandar Marjanovic, Katell Chabin.



Au programme des prochaines réjouissances nous travaillerons autour de Metropolis.
À suivre donc…



mardi 22 novembre 2011

Premiers pas

Tout un chacun a un jour eu envie de faire un livre pour enfants.
Et une petite voix intérieure leur a murmuré, sourire en coin: "fastoche!"
Parmi tous ces chacuns, d'aucuns,
peut-être un peu plus rêveurs, naïfs, ou orgueilleux,
un jour, s'y sont collés.

Ils ont sorti du papier, des stylos, des ciseaux,
des crayons de couleur, un ordinateur;
et ont imaginé des histoires de fleur, de frayeur, de raton-laveur…
Ils ont griffonné, gratté, raturé, peinturluré… 
Et enfin, satisfaits, ont envoyé leur projet à leurs maisons d'édition préférées.

Généralement, le plus souvent,
celles-ci leur ont répondu aimablement
que malgré ses qualités certaines, ce projet ne correspond pas
à notre ligne éditoriale du moment.

Certains ont durement encaissé.
Ils se sont sentis incompris, blessés, réprimandés.
Ils se sont saoûlés, ont décidé de tout arrêter,
et ont rageusement jeté leur feuille au panier!

D'autres ont durement encaissé.
Mais ils ont continué.
Ils ont ressorti du papier, des stylos, des ciseaux,
des crayons de couleur, un ordinateur; et ont recommencé. 
Ils ont gribouillé, écrit, gratté, copié, collé…
Parfois ils se sont découragés. Ils ont râlé, transpiré,
froissé du papier, insulté leur ordinateur, leur conjoint, leur voisin.
D'autres fois, tout excités, ils ont sauté, dansé,
embrassé leur conjoint, leur voisin, leur chien.
Et, un jour, pas tout à fait satisfaits, ont décidé d'envoyer leur projet
à leurs maisons d'édition préférées.

Et parfois… Ô surprise…
Ces maisons d'édition répondirent favorablement, témoignèrent leur intérêt,
proposèrent un rendez-vous pour voir le projet de plus près.

D'aucuns jubilèrent!
Ils rencontrèrent ces maisons d'édition,
eurent des discussions, remirent le projet en question.
Mais ils tinrent bon. Trouvèrent des solutions.
Et le grand jour arriva, le projet se concrétisa: ils signèrent un contrat!

Mais ils avaient encore du pain sur la planche:
ils retroussèrent leurs manches, remplirent des pages blanches,
travaillèrent le dimanche.
Ils grognèrent, retouchèrent, trépignèrent, perfectionnèrent. 
Vérifièrent des cromalins, des virgules, des tirets. Signèrent un BAT.
Et envoyèrent le livre à imprimer.

Le temps passa. Des heures, des jours, des mois…
Et un beau matin, d'aucuns tinrent dans leurs mains,
toutes ces drôles idées, miraculeusement transformées
en un beau livre de papier.

Parmi ces premières fois, ces premiers pas,
voici Toute mon année en activités, fraîchement sorti chez Mila éditions.

C'est un livre que j'ai réalisé en papiers découpés.
Un livre-calendrier que l'on peut accrocher, colorier, plier, découper…
On y suit Lili et Lulu au fil de l'année. Chaque mois, l’enfant complète le calendrier
avec des gommettes, et découvre une page avec trois activités à faire
avec ses petits doigts.















Toute mon année en activités, Mila éditions
48 pages + 6 pages de gommettes — format: 26X32 cm
4-7 ans.







mercredi 19 octobre 2011

Philosophie

Si vous vous aventurez par-delà cette petite porte de la rue Saint Maur,
dans le 11e arrondissement de Paris, vous arriverez dans une ancienne cartonnerie, 
transformée en plateau de tournage pour quelques semaines.
Dans ce passage aux allures d'autre côté du miroir, c'est aussi de réalités qu'il est question.
Réalités d'idées, de concepts, d'abstractions, dans lesquelles se reflètent corps, images,
et réalités quotidiennes.

C'est ici que se déroule l'émission Philosophie, émission présentée par Raphaël Enthoven
et diffusée le dimanche sur arte.

Le coffret, regroupant 30 émissions thématiques, ainsi que leurs bonus où se poursuivent
les discussions avec les invités, vient de paraître chez arte éditions. 
J'ai mieux connu cette émission en travaillant sur le graphisme de ce coffret. 
Faisons donc un petit détour autour de ce projet.

Cette émission est née d'une contradiction, d'un paradoxe.
Quand on a proposé à Raphaël Enthoven de faire une émission de philosophie
à la télévison, il fut tout d'abord sceptique. Car selon lui la philosophie à la télévision
ne serait pertinente que si:
— Cette émission était un plan séquence: filmée sans coupe, d'une seule traite,
afin de ne pas interrompre le cheminement de la pensée. 
— Les invités étaient choisis selon leur spécificité et non leur notoriété.
— Et si l'émission était en mouvement.
Pari à priori difficilement réalisable…
Ces arguments qui auraient dû être dissuasifs ont cependant de suite convaincus
la production A prime Group et la chaîne arte.

C'est le réalisateur Philippe Truffault qui s'est aventuré à réaliser cette émission.
Réalisateur connu pour son goût de l'expérimentation et des défis…
Pour mémoire, il avait déjà entrepris le délicat exercice du plan séquence avec
la série Mythologies, il y a une dizaine d'années…
Patchworks graphiques de treize minutes sur des personnages de la mythologie grecque.
Série télévisuelle sur laquelle j'avais déjà eu la chance de travailler.

Mais revenons à l'émission, et à son dispositif.
Chaque émission a une thématique: amour, cinéma, corps, travail…
Raphaël Enthoven reçoit un invité, spécialisé dans la thématique choisie.
On rentre de suite dans le sujet. Une fois l'amorce énoncée, Raphaël Enthoven et son invité dialoguent, leur esprit déambulant au rythme de leurs pas. 

De grandes images, comme des fresques, disposées ça et là dans la cartonnerie ou
dans la rue, rythment l'émission.
Les idées s'appuient sur des exemples visuels, elles donnent un point d'ancrage visible
à ces pensées.
Ancrages hétéroclites: peintures classiques, images de films, images "populaires" de magazines…
Images qui donnent parfois lieu à des interactions cocasses avec les invités 
(images d'avalanche avec Paul Clavier dans l'épisode sur l'Art…).

Si l'introduction, le point de départ, est connu par l'invité, le reste n'est qu'improvisation.
Ce qui fait que l'émission serait totalement différente si elle était tournée à un autre moment.
Ce "direct" joue donc, et se réjouit de ces aléas, des improvisations.
C'est dans les bonus des DVD que les discussions se poursuivent, et que chacun fait part
de ses regrets, ou des jubilations sur l'émission captée: celle qui sera diffusée.

Donc, on ne triche pas. Et c'est peut-être aussi parce qu'on ne triche pas avec le spectateur,
qu'il se sent à l'aise, en confiance avec la philosophie, et qu'il peut à son tour se faire confiance et oser philosopher.

Ce dispositif et ce ton directs permettent d'ancrer la philosophie dans le présent.
Ceci rend compte que si la philosophie joue avec des notions abstraites, dispute de "grandes idées", son support est avant tout "là et maintenant".

Grâce à tout cela, cette émission n'intimide pas, n'exclut pas.
Grâce à cette simplicité, cette accessibilité, on ose s'interroger.
Elle donne envie.